À l’heure où la course est aux aventures les plus folles, où les kilomètres ne comptent que s’ils sont affichés, nous avons décidé de nous aventurer là où l’hiver persiste encore.

Là où le froid brise et revigore, là où la bise vient du nord, glaciale, tempétueuse, impétueuse. En fin janvier, nous sommes donc allés découvrir les traces des explorateurs de notre Jura français, sur la GTJ, Grande Traversée du Jura, en ski de fond. Un trajet de Villers le lac jusqu’aux Rousses, en deux jours et en semi-autonomie, soit 130 kilomètres skiés, à la recherche de quelque chose de plus grand. À la poursuite d’un hiver retrouvé, perdu, imagé et rêvé.

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L'équipement de Nathan pour 2 jours de ski de fond : 

À la poursuite de l’hiver, le vrai, celui qui prend aux tripes, celui qui fait peur aussi, qui intimide et qui ne laisse pas le voyageur du blanc inchangé. Cet hiver, en ce début d’année 2023, il se faisait attendre, comme chaque d’année depuis que j’ai grandi, que je suis devenu « adulte ».

Mes souvenirs des vrais mois janvier froids et enneigés de mon enfance ne sont plus que de la buée sur une vitre froide. Brouillés, disparaissant avec le chaud de notre vie qui ne fait que s’accentuer. Je n’ai pourtant que 27 ans. La différence est flagrante, visible, touchante, mais surtout, si vous le ressentez comme moi, angoissante.

Alors, lorsque l’or blanc s’est décidé à revenir nous voir le temps de quelques semaines, comme un vieil ami que l’on revoit au gré des moments de vie, nous n’avons pas mis longtemps à nous décider avec Antoine. Nous partirons à la recherche de l’Hiver, avec un grand H. Retrouver la chaleur au cœur du froid, partager la passion de dehors au travers de l’effort,

Entretenir l’amitié par le partage d’une aventure hors du temps, celui d’un week-end qui aura duré une vie.

Le cadre était posé, le propos et le but définit, nous n’avions plus qu’à nous organiser et chausser nos skis.

Avant même nos premières traces sur la fameuse GTJ, mes questions sur cette aventure s’estompent immédiatement grâce à de l’hospitalité de la famille d’Antoine. Dès vendredi soir, mon cœur s’emplit de bienveillance et de bonheur tant l’accueil est à la fois simple et chaleureux.

J’ai eu le droit à un apaisement, dû à mes angoisses justifiées d’avant voyage et accentuées par ce vent glacial, la « bise noire » qui soufflait sans discontinuer depuis mon arrivée à Villers le lac. Ce vent, presque en vie, sera notre compagnon de voyage, poussant nos skis dans la bonne direction, mais ne laissant aucun écart possible à nos divagations d’esprit et de parcours.

 

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Samedi, premier jour de ski 

Lancés le samedi matin sur les traces à trois lettres du parcours jurassien, et ayant pris le temps de dire au revoir à nos hôtes, Antoine et moi nous enfonçâmes dans le cœur du Jura, là où la nature est reine, là où l’hiver reprend ses droits, son pouvoir, et là où le vent, ce fameux troisième compagnon d’aventure dicte sa loi.

Notre chance fut qu’il poussait dans la bonne direction, et bien que la neige soufflée n’épargne pas les skis, notre effort fut facilité par cette petite aide de dame nature. Bien habillés, nous n’éprouvâmes aucun ressenti négatif lors des premières heures de notre traversée.

La trace nous amènera d’ailleurs à rencontrer l’un des chefs des forêts jurassiennes, en la présence du renard, apparition furtive, mais poétique au cœur du paysage blanc qui nous enveloppait. À l’œuvre, en pleine chasse, le temps suspendu par sa valse au-dessus du manteau neigeux, à la recherche de mulots et d’un en-cas bien mérité après avoir bravé vents et tempêtes.

Nos pérégrinations nous poussèrent jusqu’aux frontières suisses et à Verrière sur Joux, seule coupure du parcours où les skis ne peuvent être utilisés.

Une longue descente contre le vent et nos corps seront rapidement transis par le froid glacial accentué par Eos et ses respirations intenses.

La recherche d’un lieu chaud étant infructueuse, il nous fallut repartir, se remettre en mouvement et ainsi braver l’inconfort du froid sur nos organismes.

Durant la seule montée à pied du séjour, mon esprit divaguait, et j’en arrivais à penser que le mouvement était une partie de la solution, de la source de vie, bien au-delà d’autre chose. Le mouvement réchauffe, il nous fait avancer vers autre part, tant physiquement que mentalement. Le mouvement apporte la vie, telle l’eau qui coule dans le ruisseau, a contrario de la flaque croupie issue des orages de l’été. Ce mouvement nous fait progresser, il pousse au meilleur, se découvrir, parfois à se dépasser.

Nous en apprendrons d’ailleurs tous les bienfaits le lendemain matin, où la bise nous prit par surprise dès le début de notre ascension pour ne nous lâcher qu’à la bascule du col suivant. Un doux et glacial rappel que seul le mouvement peut nous sortir de situation délicate.

 

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Cette première matinée A la poursuite de l’hiver n’était pas encore convaincante, nous skiions sur une faible quantité de neige, et c’est bien cet or-là qui fait ce que les hivers sont. Beaux et immaculés. La recherche continuait donc.

Vers l’arrivée à notre étape du jour, Metabief, et sur des pistes légèrement plus fréquentées, nous touchions du doigt les premières esquisses du monde véritablement blanc, celui qui nous passionnait, et celui pour lequel nous étions venus fouler ces pistes et en effleurer leurs flocons.

À la vue des derniers panneaux journaliers annonçant notre destination, un enthousiasme couplé d’une impatience naquirent, si bien qu’après 50 kilomètres passés « rapidement » selon ma perception, les derniers mètres de cette journée parurent interminables, se languissant dans la torpeur du début de l’après-midi.

J’appliquai alors ma leçon apprise du matin : mettre un ski devant l’autre et remettre une confiance totale dans le mouvement qui, tôt ou tard, nous permettrai d’apercevoir notre terre d’accueil du jour : Metabief.

Nous fûmes frappés par Un contraste puissant entre cette station de moyenne montagne où les skieurs étaient en nombre et notre journée passée où nous n’avions vu qu’au maximum une dizaine de personnes. Un rude retour à la réalité et une obligation pour nous de réintégrer nos règles en société et se remettre dans un moule plus classique. Brutal.

L’heure était au repas chaud, une convivialité fraternelle et a des calories bien méritées. Le sommeil nous prit bien tôt, malgré un billard endiablé et les quelques bières fraîches de la soirée.

Fin de la première journée : 55km - 4 h 30 de ski, 6h dehors. Température moyenne -7. Ressenti au vent entre -10 et -15.

Neige faible, mais glissante. 4000 calories estimées

Dimanche, deuxième jour de sk

Le réveil ce matin est difficile. Porté par mes peurs du défi du jour, mon esprit a mis beaucoup de temps à s’apaiser, et le feu de la peur fut attisé toute la nuit par notre compagne d’infortune, le vent, qui s’était échiné des heures durant à dégonder les volets du gîte et souffler dans tous les interstices possibles, créant un concert de sifflements et de claquements dignes des orchestres les plus fournis.

Antoine n’est pas dans un meilleur état ce matin et nos regards ne trompent pas, le départ sera compliqué.

Après avoir monté noter paquetage sur le dos, notre duo s’engageât de nouveau sur les traces glacées de la GTJ, et vers ce qui s’avérera être le passage le plus compliqué de notre séjour en terre jurassienne.

Les frontales coupées après le levé du jour, la montagne des monts d’or nous attendait. Elle avait préparé ses défenses, contre les deux agresseurs que nous étions. Dès la sortie de la forêt, un vent terrible nous agressa. De face, il ne laissait aucune chance à nos skis de glisser, il ne laissait aucune parcelle du corps au chaud. Il harcelait par rafales et ne nous donnait aucun répit.

 

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Je dois d’ailleurs admettre que ce fut clairement le moment le plus délicat de l’aventure. Antoine, au loin, sentant ma nervosité, n’avait pas cherché à me réconforter. Il sentait bien que je n’aurais pu entendre ses conseils et encouragements.

Aussi bien que nous montions, je m’engonçais dans mon marasme et une nervosité grandissante.

Seulement rassuré par le fait d’avancer, mon esprit s’essayait à saboter ma motivation qui était pourtant puissante. Un classique état des lieux du cerveau sur le pourquoi du moment présent. « Mais quel intérêt de faire ça, ici et maintenant ? »

« Où est ton plaisir ? ».

Je criais alors contre le vent, mais évidemment la seule réponse ne fut qu’une puissance redoublée de sa part. Je m’échinais à glisser, mais la neige n’osait me rendre mon effort.

C’est au gré de la montée, au cœur d’un îlot d’air calme, derrière un épicéa salvateur, que cette tête trop remplie réussie à faire le vide et après une vue sur mon altimètre, je compris que le plus dur était réalisé !

Encore quelques poussées et nous basculerions vers Mouthe et la promesse d’une neige abondante, d’un vent calme et de conditions parfaites.

Motivé par cette perspective, mon esprit s’apaisa, et nous repartîmes de plus belles vers notre objectif Des rousses, quelque 50 kilomètres plus loin.

La suite de cette journée ne fut que portée par des sensations et des souvenirs brouillés. Nous avancions heureux et pleins, plein de bonheur, entier de vie. La neige faisait aussi son retour sous nos pieds, et le soleil sortait ses rayons de derrière les nuages. Le séjour touchait à sa fin, mais le bonheur n’était qu’à son début.

Porté par ce sentiment, les rousses s’approchèrent rapidement, et l’arrivée, ponctuée par quelques crêpes, ne pouvait être meilleure. L’heure de se dire au revoir avec Antoine approchait déjà, et même si peu de mots ne furent dits, beaucoup furent compris. Nous savions ce que nous avions vécu, et nous savions aussi que la prochaine aventure se formait déjà dans nos esprits, un week-end pour vivre, et des mois à rêver de la suite. À la poursuite de l’hiver, cette fois, et d’autre chose ensuite.

Fin de la seconde journée : 74 km - 5 h 30 de ski, 7h dehors. Température moyenne -4 Ressenti au vent entre -7 et -13.

Neige en quantité et glissante. 5000 calories estimées. Total sur 2 jours, 3000 m' de dénivelé

 

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À la poursuite de l’hiver, il n’y a ni départ ni arrivée, il n’y a que des rencontres avec ce dernier.

L’hiver peut vous surprendre au coin de la forêt, au cœur d’une montagne ou au pied des arêtes enneigées.

Le vrai hiver, celui pour lequel nous nous étions mis en branle, nous l’avons vraiment rencontré au lever du jour, ce dimanche matin, quand le vent souffla, quand la montagne cria, quand la neige frappa. Il était là l’hiver, le vrai, le véritable, le vertigineux. En vérité, l’hiver est une saison, mais l’hiver est un moment. L’hiver est un cadeau que vous vivez, un passage que vous découvrez. Il vous surprend, souvent, et cette rencontre marque, mais vous vous en souvenez toujours.

Car l’hiver ne peut être poursuivi. Parfois, il se montre à vous quand vous le voulez, mais surtout quand il le décide.

Espérons que nous puissions encore poursuivre cet hiver longtemps, jouer avec lui, se battre contre lui, l’aimer autant que possible avant qu’il ne disparaisse à jamais, comme une relation passionnelle qui brûle avant de s’évaporer en souvenirs et en sensations. L’hiver, si impalpable qu’il soit, doit être chéri et protégé. On doit lui sourire et le respecter. Peut-être qu’en retour il saura nous faire vivre et nous faire vibrer.

 

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Commentaires

  • Parrat Pascal et Sylvie:

    Bravo bravo félicitations
    Grosses bises
    A bientôt

    05 mai, 2023


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